L’article 191 de la loi Climat et Résilience du 22 aout 2021 fixe l’obligation pour les territoires de réduire de moitié le rythme de consommation d’espaces naturels agricoles et forestiers d’ici à 2031. L’enjeu étant, d’ici 2050, d’arriver à l’objectif du « Zéro Artificialisation Nette » dit objectif « ZAN ».
Ce vendredi 10 mars, s’est tenue à Arras, une rencontre régionale des acteurs de l’habitat organisée par l’Union Régionale pour l’Habitat Hauts-de-France, en partenariat avec la Banque des territoires, pour poser les conditions de production de logement social dans un contexte de mise en œuvre du ZAN.
Pour le secteur du logement social, la sobriété foncière n’est pas un sujet nouveau, puisque qu’il est coutumier de la conduite de projets en renouvellement urbain ou en recyclage foncier tant en secteur urbain que rural. Mais l’atteinte de ces objectifs renforcés de réduction de la consommation foncière nécessite désormais de définir sur les territoires de nouvelles stratégies volontaristes (notamment foncières) qui permettront de garantir le développement territorial et l’accueil d’une offre de logements nécessaire pour répondre aux besoins des ménages.
Dans un contexte régional d’augmentation constante des besoins en logements et de maintien ou de renforcement des objectifs de production sur l’ensemble des territoires, les acteurs du logement social ont souhaité, par l’organisation de cette rencontre régionale, marquer leur volonté de s’inscrire activement dans la mise en œuvre de cette politique nationale aux côtés des territoires et de porter une dynamique régionale forte autour des enjeux liés à la sobriété foncière.
« Être aussi nombreux démontre notre faculté et notre volonté de nous emparer du sujet. Je ne connais pas d’autre territoire qui s’en soit saisi, à cette échelle, pour jeter les bases de la réponse pour concilier des objectifs en apparence contradictoires : produire des logements et économiser le foncier »
Jean-Pierre CHOEL, Secrétaire général de la Fédération des ESH, Vice-Président de l’URH Hauts-de-France et Directeur général du Groupe Sambre Avesnois Immobilier
« Nous ne partons pas d’une page blanche : nous connaissons désormais la consommation foncière régionale du logement social, nous disposons d’un savoir-faire qui n’est plus à prouver, des outils se mettent en place (le Fonds friches désormais Fonds vert, le dispositif acquis-améliorés de la DREAL HDF, une expérimentation à venir sur la seconde vie du bâtiment, …). Ce sont de vrais signaux encourageants, mais certes, nous le verrons, pas suffisants ! »
Jean-Louis COTTIGNY, Président de l’Union Régionale pour l’Habitat Hauts-de-France.
Au delà de l’arithmétique foncière, pour une gouvernance multi-échelles des sols : prise de hauteur avec l’intervention de Jean-Marc OFFNER, urbaniste et Président de l’Ecole Urbaine de Sciences-Po
La question des ordres de grandeurs est primordiale : « on oublie souvent que les flux de changement d’usage des sols vont dans les deux sens. La forêt gagne 80 à 10 000 ha par an, alors que l’artificialisation porte sur 25 000 ha par an. »
« Le ZAN sème la zizanie avec des objectifs trop nombreux, contradictoires voire un peu incohérents. Le ZAN s’occupe uniquement de la surface… si on peut espérer du ZAN qu’il serve à quelque chose, c’est en mettant l’accent sur l’importance de la qualité des sols ! Parfois en termes de biodiversité, un quartier pavillonnaire bien conçu est plus riche qu’un champs de vigne »
Jean-Marc OFFNER, urbaniste et Président de l’Ecole Urbaine de Sciences-Po
LE SECTEUR DU LOGEMENT, DÉMONSTRATEUR DE SOBRIÉTÉ FONCIÈRE
L’URH Hauts-de-France a missionné le CEREMA Hauts-de-France pour la réalisation d’une étude régionale co-financée par la Banque des territoires, l’Union Sociale pour l’Habitat et la DREAL Hauts-de-France portant sur l’Expérimentation d’une méthode de mesure de la consommation foncière induite par le secteur du logement social en Hauts-de-France.
Les résultats de cette étude, au-delà d’avoir permis d’éprouver une méthodologie d’analyse désormais duplicable à l’échelle nationale et dans les autres régions, permettent de préciser la connaissance régionale de l’impact du secteur Hlm sur les dynamiques de consommation foncière en région.
En parallèle, afin de démontrer qu’il n’existe pas une solution unique pour lutter contre l’artificialisation des sols et que tous les bailleurs sociaux ont déjà des solutions clés en main avec différents modes de production sur des terrains artificialisés, l’URH a dédié le dernier né de la collection des « Livrets des opérations remarquables de bailleurs sociaux » à la thématique de la sobriété foncière.
« 15 opérations réalisées ou en cours en Hauts-de-France permettant de mettre à l’honneur les savoirs faire des bailleurs sociaux sur les territoires, mais également de décrypter ces solutions dans toutes leurs dimensions, et d’identifier les conditions pour faire et surtout pour intensifier, massifier les opérations ou partenariats considérés comme exemplaires »
Sylvie RUIN, Directrice de l’Union Régionale pour l’Habitat Hauts-de-France
Ce n’est pas sur le logement social que l’économie régionale sur le foncier sera à rechercher. Pour autant, les bailleurs sociaux, acteurs de l’aménagement et du renouvellement urbain, souhaitent être des partenaires de l’écosystème régional des acteurs de la ville pour accompagner la mise en œuvre du ZAN sur les territoires de la Région.
UNE RENCONTRE DES ACTEURS RÉGIONAUX QUI NOURRIT LES DISCUSSIONS PARLEMENTAIRES EN COURS
Depuis l’adoption de la loi « Climat et Résilience », la mise en œuvre de l’objectif ZAN suscite de nombreuses interrogations de la part des acteurs territoriaux, et notamment des élus. Dans le cadre de leurs missions de contrôle législatif, 4 commissions permanentes du Sénat ont créé, en septembre 2022, une mission conjointe de contrôle, pluri-partisane, présidée par Valérie LETARD et dont le rapporteur est Jean-Baptiste BLANC, ayant abouti à l’élaboration d’une proposition de loi visant à faciliter la mise en œuvre du ZAN sur les territoires.
« Cette proposition d’initiative parlementaire vise à répondre aux principales inquiétudes et interrogations des acteurs territoriaux, entendues lors des multiples auditions, et à soumettre au Parlement, dans une volonté de dialogue, un certain nombre de propositions afin de trouver les voix de passage pour la mise en œuvre opérationnelle et l’atteinte des objectifs. »
Valérie LETARD, Sénatrice du Nord, Vice-Présidente du Sénat, Présidente de la Mission Conjointe de Contrôle sur la mise en application des mesures de Zéro Artificialisation Nette des sols
Rationaliser les délais de révisions des documents d’urbanisme, revenir à un dispositif non-prescriptif, décompter les projets d’intérêts nationaux et européens des comptes fonciers régionaux, mieux prendre en compte les spécificités des communes rurales, mieux intégrer les acteurs et élus locaux à la gouvernance régionale, la proposition de loi rejoint sur de nombreux points la Contribution régionale de la Conférence des SCoT des Hauts-de-France présidée par Françoise ROSSIGNOL.
De gauche à droite : Myriam CAU, Fabien THURETTE, Françoise ROSSIGNOL, François CONSTANTIN (animateur)
Les tables rondes de l’après-midi ont permis d’illustrer la capacité des acteurs Hauts-de-France à s’inscrire dans le cadre de la loi :
« Malgré l’inquiétude que génère la mise en œuvre de cette loi et des organisations très différentes d’un département à l‘autre, les élus des Hauts-de-France se sont rapidement montrés volontaires pour travailler, dans le cadre de la loi, sur la façon d’aborder cette réduction de consommation foncière en Hauts-de-France »
Françoise ROSSIGNOL, Présidente de la Conférence régionale des SCoT Hauts-de-France
Ce travail inter-SCoT a fait l’objet d’une contribution régionale et d’un certain nombre de propositions ayant fortement nourri le travail de la mission sénatoriale.
Le témoignage de Fabien THURETTE, DGS de la commune d’Aulnoye-Aymeries, a par ailleurs démontré qu’une vision stratégique est envisageable en centre urbain. Le développement de la commune de 9 000 habitants, fortement meurtrie par la désindustrialisation du bassin de la Sambre, s’est rapidement tourné vers 4 axes :
• travailler la centralité autour des transports
• sanctuariser des espaces naturels de la commune
• développer la culture et le sport pour donner des perspectives autres que le développement économique
• se concentrer sur le traitement prioritaire des friches industrielles pour améliorer le cadre de vie des habitants
Mais la reconstruction de la ville sur la ville est-elle attendue et acceptée par la population ? Pour Myriam CAU, Présidente de l’association des Urbanistes des Hauts-de-France, ce sont les sujets de la « justice spatiale » et de la qualité du logement qui seront centraux dans l’acceptation de la densité, et de la mise en œuvre du ZAN.
Quelles seront les conditions de réussite de la sobriété foncière en région ? De quels outils dispose-t-on en région Hauts-de-France ?
Modèles économiques, financements des proto-aménagements, mobilisation des financeurs, anticipation foncière, repérage des potentialités foncières, stratégie et planification urbaines, évolution administrative, adaptation de la fiscalité,…. Les deux séquences de l’après midi ont permis d’échanger avec les partenaires régionaux sur les conditions de mise en œuvre.
Mathilde TOURNAUX (directrice Adjointe d’Action logement Services Hauts-de-France), Olivier CAMAU (Directeur régional de la Banque des territoires), Catherine BARDY (directrice générale de l’EPF Hauts-de-France), Jean-Marc DESCHODT (directeur général de l’EPFLO), Laurence MORICE (URCAUE) ont contribué au débat régional sur la mise en œuvre du ZAN.
Georges-François LECLERC, Préfet du Nord et préfet de Région, a conclu la journée, posant clairement les enjeux des mois à venir :
« Vous avez dressé les quelques lignes d’un changement de modèle que nous devons organiser tous ensemble : élus, titulaires du droit de l’urbanisme et qui font les grands choix, parlementaires, qui votent la loi de finances et donc l’aide à la pierre, l’URH et l’ensemble des bailleurs sociaux …
Nous mesurons toutes les contraintes qui sont les vôtres, et pourtant nous avons un formidable défi à relever qui me parait être le défi de notre génération. «
A venir prochainement : le replay ainsi qu’un résumé vidéo des temps fort de la journée !
Contact URH : Emma DESETTE-DUMAZY, Responsable du Pôle Stratégies Urbaines et patrimoniales, e.desette@union-habitat.org
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